Redirection écologique et Jeunes Dirigeant·e·s

Nous avons eu le plaisir d’intervenir auprès du Centre des Jeunes Dirigeant·e·s (CJD) d’Occitanie pour parler d’écologie et travailler sur la réduction de l’impact de quatre secteurs d’activité : l’aéronautique (on était à Toulouse…), le tourisme, l’agriculture et la construction. Retour sur le déroulement de cet atelier et sur les conclusions des participants.

1. Deux heures pour renoncer : simulation de protocole

Pour chacun des secteurs, nous nous sommes donc posés cette question : quels renoncements peut-on réaliser et comment y procéder d’une façon juste ? Pour y parvenir et pendant environ deux heures, nous avons proposé le protocole suivant aux participant·e·s.

Les étapes du protocole

Les étapes du protocole

Étape 1 - Enquêter pour mieux comprendre la nécessité de renoncer... mais aussi sa difficulté

Étape 2 - Prendre des mesures d'atterrissage

Étape 3 - Accompagner le renoncement

2. Alors, on renonce à quoi ?

Bien entendu, en deux heures, l’objectif était davantage de sensibiliser les Jeunes Dirigeant·e·s (JDs) aux concepts de redirection et de renoncement que d’établir une feuille de route robuste pour nos quatre secteurs (on les rappelle : aéronautique, tourisme, construction et agriculture). Cependant, certains groupes ont mené des réflexions ambitieuses, dont voici un échantillon.

Dans le secteur de l’aéronautique, les participant·e·s se sont penchés sur la fin des vols court courriers (inférieurs à 3 heures) à usage professionnel et, par voie de conséquence, sur l’éventuelle fermeture des aéroports de petites villes qui en dépendent (Biarritz, Carcassonne…). Mues par des considérations sur le lien professionnel mais aussi sur le dynamisme des territoires, des mesures d’accompagnement comme la redistribution de l’emploi, l’intensification ferroviaire ou encore l’établissement de monnaies locales nourries par les économies carbone réalisées ont été imaginées.

Dans le secteur de l’agriculture, la question de se désengager du marché mondial a été au centre des débats. Et pour compenser d’éventuels manques de débouchés pour les agriculteur·rice·s, les JDs ont demandé comme principale mesure d’accompagnement la mise en place d’un revenu minimum garanti conditionné à une conversion à l’agro-écologie. Des sujets aussi passionnants (et révolutionnaires) que la fin de la propriété agricole au profit d’un·e paysan·ne simplement dépositaire d’une ressource commune ont également été abordés.

Dans le secteur de la construction, ce sont les zones commerciales qui furent l’objet d’étude des participant·e·s, qui décrétèrent la fin de leur construction mais aussi la limitation du nombre de références alimentaires vendues. Dès lors, les réflexions se sont tournées vers la redynamisation des centres-villes, la création d’alliances logistiques entre les commerçant·e·s, ou encore des formes de fléchage de la consommation. Un autre sujet abordé fut la suppression des surfaces de parkings autour des zones commerciales au profit d’autres formes de distribution.

Enfin, dans le secteur du tourisme, les participant·e·s ont notamment eu l’idée radicale de mettre fin aux vacances d’été pour combattre les phénomènes de tourisme de masse. Si la faisabilité d’une telle mesure peut être interrogée, elle a le mérite de s’attaquer à un totem de notre société : n’est-ce pas après tout le but de ces protocoles de renoncement ?

3. Moi, jeune dirigeant·e

Pendant deux heures, ce sont environ quarante jeunes dirigeant·e·s qui ont ainsi découvert et apprivoisé le concept de renoncement. Ce fut d’abord difficile, tant cette notion est encore connotée négativement et tant elle est de prime abord comprise comme quelque chose de subi, brutal, désorganisé et imposé. Cependant, au fur et à mesure de l’exercice, l’intérêt du renoncement s’est petit à petit imposé et surtout, le soin qu’il porte aux héritages de chaque secteur a permis de le réhabiliter comme une pratique juste et attentionnée.

Quels effets peut-on dès lors en attendre ?

Tout d’abord, cet exercice a donné à voir aux dirigeant·e·s des trajectoires économiques et écologiques alternatives de ces 4 secteurs dans lesquels ils travaillent. L’aéronautique n’est pas condamnée à augmenter les capacités des aéroports et à développer un avion à hydrogène. L’agriculture n’est pas condamnée à utiliser le bio-contrôle comme nouvel outil de réduction d’impact de ses excès. La construction n’est pas non plus condamnée à toujours plus construire mais de façon plus verte. D’autres options sont possibles et avec elles d’autres marchés dans lesquels des dirigeant·e·s engagé·e·s et ambitieux·euses peuvent s’engager. En cela, cet exercice de simulation d’un protocole de renoncement est aussi une forme d’ouverture.


Ensuite, il est possible de reproduire ce protocole à l’échelle d’une entreprise. Les renoncements sont certes sectoriels et les plus symboliques interviendront sans doute à une grande échelle sous l’effet de décisions politiques. Mais ils peuvent aussi procéder d’une addition de renoncements plus modestes. Dans un portefeuille d’activités, il est ainsi tout à fait faisable (et recommandé) de se demander quelles sont ses activités insoutenables (à nouveau, dans la double acceptation du mot). Puis, à partir de celle à laquelle on voudrait renoncer, de comprendre ses héritages et d’imaginer les mesures d’atterrissage qui sont possibles.

Enfin, on espère que cet exercice fait du renoncement une option stratégique valable pour un dirigeant·e. Il ne fait pas partie du panel d’actions possibles qui est habituellement communiqué dans les formations et autres écoles de commerce (qui prônent toujours l’ouverture, la diversification, l’identification de nouveaux leviers de croissance). Et pourtant le renoncement est bien une stratégie possible face à certains risques qui pèsent sur les activités d’une entreprise.